souvenir

              Une scène typique d’humiliation me revient. Je longe une maison en pleurant, le visage partiellement recouvert de farine. Ma sœur et sa copine me précèdent. J’ai sept ans et suis à la mer avec mes parents. Des jeux ont été organisés par le club de la plage et on m’y fait participer. Les mains dans le dos, des assiettes remplies de farine avec une pièce au centre à récupérer avec la langue. Impossible pour moi de happer le butin, ça me dégoutte trop. Je triche avec les mains mais l’animateur me force à respecter les règles. Je grimace de répulsion devant les autres enfants victorieux qui me regardent, étonnés.

            Enfin je peux quitter la tablée et pleurer tout mon soûl. Ce n’est pas une scène de mon souvenir mais elle a été filmée en super 8 par mon père. En y réfléchissant aujourd’hui, c’est à mon père que j’en veux. Pourquoi n’a-t-il pas interrompu le filmage devant ma déconfiture ? La vraie interrogation qui me taraude aujourd’hui reste de savoir si je vais, un jour, parvenir à abdiquer cette figure imaginaire du père sauveur qui n’a jamais eu lieu. Me diriger vers la fillette de sept ans et la serrer très fort dans mes bras.