à propos

 Je m’appelle Loulou, j’ai 32 ans. Je dors peu, je doute beaucoup.

            Jeune, à l’âge où on commence tout juste à nous enseigner les chiffres, les nombres et les calculs, je suis restée con face aux demandes de résolution des problèmes mathématiques. Mesdames Dégoutte, Cervoni , Glénat et Dufy de l’école des Dalhias de la Duchère , à Lyon, mes maîtresses successives, me laissaient au tableau devant les additions, soustractions, multiplications et divisions à résoudre. Con, je restais debout face au tableau, le coude levé, prête à écrire mais quoi ?

            C’est donc vers six ou sept ans qu’a commencé pour moi le braconnage. Il m’a fallu l’école pour le comprendre et en subir la pratique : prise à la gorge dans des champs de savoirs qui ne me disaient rien. Con, c’est le sentiment que j’ai eu tout de suite, l’impression que tous les autres pouvaient voir mon con, mon sexe de fille, là, au tableau, ne sachant rien écrire.

Les Maths posaient pour moi la question du matage. Les maîtresses me posaient la question du matage, de pourquoi, à la maison, je me faisais mater par ma mère. Et comme réponse, je ne savais que lever le coude et me taire. Les Maths furent ça : cette violence qu’on me demandait de mimer devant les autres.

            Le matage avait lieu à la maison, à l’école l’humiliation.

            A beaucoup, ce qui va suivre ne dira rien du tout. Je ne parlerai que très peu de l’école, de beaucoup de cons. Et de la maison bien sûr. De tout ce qui s’est greffé au sein, autour, au dedans, au dehors de la maison. Aussi de ce que c’est d’être sans toit. De ne pas savoir compter. De ne savoir compter sur personne.