drague

            L’automne de mes vingt-quatre ans, j’ai fait les vendanges. Nous étions seulement deux filles et j’étais la seule non-accompagnée. Jamais je n’ai été autant draguée. La rudesse de mes prétendants m’a empêchée d’apprécier la cueillette. Un homme à la peau noire s’est pris d’amitié ou de pitié pour moi et m’a promis de m’offrir protection. Cela n’a pas suffi, les vendangeurs voulaient des preuves plus sexuelles de mon appartenance.

            J’ai donc choisi l’un d’entre eux et me suis prêtée au jeu de l’amourette. Ca a marché un temps. Un peu trop d’ailleurs car le garçon en question s’est cru épris de moi. La veille de mon départ, j’ai dû démonter sous ses yeux la supercherie. Je m’en suis tirée avec un sac d’injures mais pas de brutalité physique, sans doute parce que j’avais résisté, nuit après nuit, à l’assaut sexuel.

            Si je ressors cet événement c’est pour souligner ma tendance à la construction d’une stratégie dès que je me sens étrangère à mon milieu. Je m’explique : à cette époque et de façon très naïve quelque chose m’avait poussée à élire l’espace dionysiaque. Or, Dès que le cortège des satyres a déboulé, turbulents et fertilisateurs, je me suis rétractée, apeurée, étranglant la ménade en moi.